Dans l'Asset Management institutionnel de portefeuilles mixtes, une forme courante de gestion de crise consiste à réajuster les pondérations des portefeuilles en fonction des pondérations du benchmark à la suite des turbulences du marché. Mais à quelle fréquence faut-il le faire ? L'intensité des échanges est-elle optimale ? Nous avons vérifié si les ajustements quotidiens, mensuels ou même trimestriels apportaient les meilleurs résultats.
Les résultats à long terme
L'analyse a été effectuée sous forme de test rétrospectif pour toutes les crises boursières majeures depuis 1992. Elle s'applique aux portefeuilles qui ne tiennent pas compte de tactiques explicites. Les résultats peuvent être résumés comme suit :
- Sans les frais de transaction, une réallocation fréquente serait la stratégie la plus efficace. En revanche, l'intégration des frais de transaction dans l'analyse conduit à la destruction de la performance, surtout en cas de restructuration intensive.
- D'autant plus que tant que les marchés des actions sont en chute libre, il est préférable de réallouer moins souvent. Cela peut paraître surprenant, car c'est en contradiction avec notre première intuition. Mais cela a du sens, car il en résulte une sous-pondération automatique des catégories de placement ayant une forte tendance négative.
- Dans la phase de reprise, l'absence de fréquence d'échange présente des avantages particuliers. Pour le gestionnaire de portefeuille, une réallocation mensuelle en ligne avec le benchmark semble alors être l'option la plus raisonnable.
Crise du coronavirus
L'évolution du portefeuille suivant a été analysée de janvier à fin avril 2020 ; l'analyse couvre donc la correction du marché lors du déclenchement de la pandémie du coronavirus et la reprise à ce jour. Le portefeuille :
Catégories de placement | Pondérations | Frais de transaction estimés (achats/ventes) |
---|---|---|
Liquidités | 3% | |
Obligations en CHF | 20% | 1% / 1% |
Obligations en monnaies étrangères | 20% | 0,5% / 0,5% |
Obligations High Yield | 5% | 2% / 2% |
Actions Suisse | 20% | 0,15% / 0,15% |
Actions Etranger | 17% | 0,15% / 0,15% |
Actions Pays émergents | 3% | 0,25% / 0,25% |
Immobilier indirect Suisse | 6% | 1% / 1% |
Matières premières | 3% | 0,15% / 0,15% |
Or | 3% | 0,15% / 0,15% |
Les résultats sous forme de tableau et de graphique
Performance et volume 01.01.2020 – 30.04.2020 | Quotidien | Mensuel | Trimestriel |
---|---|---|---|
Sans frais de transaction | -4,37% | -4,80%*) | -4,57% |
Avec frais de transaction | -4,69% | -4,85% | -4,62% |
Volume d'échanges cumulé | 71,48% | 12,10% | 11,23% |
*) Benchmark
Comme nous l'avons déjà noté dans la perspective à long terme, même pendant la crise du coronavirus, la réallocation trimestrielle présente un léger avantage par rapport au benchmark. Dans le graphique ci-dessous, l'évolution du benchmark est montrée en vert et les barres représentent la performance relative cumulative de la réallocation quotidienne et trimestrielle. Dans le détail, nous constatons les points suivants :
- Pendant la phase de calme avec une légère tendance du marché, la réallocation quotidienne perd systématiquement de la performance par rapport au benchmark, car les volumes d'échanges sont générés quotidiennement (barres rouges dans le graphique jusqu'au 25.02.2020).
- La perte de valeur des actions dans la seconde moitié de février a entraîné une sous-pondération des actions par rapport au benchmark de la stratégie de « réallocation trimestrielle », ce qui aura un effet positif lors de la nouvelle correction du marché jusqu'à la mi-mars (barres bleues positives). Cependant, la sous-pondération relative a aussi son prix dans les marchés à la hausse, comme le montrent les barres bleues à la baisse durant les derniers jours de mars.
- La réallocation quotidienne est défavorable pendant la correction en raison du volume élevé d'échanges et des frais de transaction élevés qui en découlent. Lorsque la tendance s'inverse, on note une surperformance par rapport au benchmark, mais cet avantage nous semble aléatoire, car il n'est évidemment pas durable.
- Une fois que le marché est sur la voie de la reprise, la surperformance se réduit sans pour autant disparaître complètement. Il semble approprié, comme nous l'avons déjà constaté dans l'analyse à long terme, de s'orienter par rapport au benchmark.
Conséquences
Sans les frais de transaction, la réallocation quotidienne aurait donné les meilleurs résultats. Toutefois, si l'on tient compte de l'ensemble des frais, il est utile de maintenir les volumes de transactions à un faible niveau, car les produits d'une activité commerciale élevée ne couvrent pas les frais. Cela s'applique à la fois à la vision à long terme et à la crise actuelle du coronavirus.